Evolution majeure du droit de la preuve en matière prud’homale

16 décembre 2022 | Droit du travail

En matière prud’homale, la Chambre sociale avait posé un principe général de loyauté de la preuve, ayant pour effet d’écarter des débats un moyen de preuve illicite.

Ainsi pouvait être rejeté des débats une preuve résultant d’un système de vidéosurveillance, non porté à la connaissance des salariés, ou encore non déclaré à la CNIL.

Or, depuis 2020, la Cour de cassation a considérablement infléchi sa position en considérant qu’un moyen de preuve déloyal et illicite pouvait être valablement versé aux débats.

Pour ce faire, le juge doit désormais opérer un contrôle de proportionnalité, consistant à mettre en balance le droit à la preuve de l’employeur ou du salarié et les droits et libertés fondamentaux en présence.

 Ont ainsi été admis comme moyen de preuve sur ce fondement :

    • des extraits de vidéosurveillance n’ayant pas fait l’objet d’une consultation des représentants du personnel (Cass. soc. 10 novembre 2021, n°20-12.263) ;
    • un post facebook privé (Cass. Soc. 30 septembre 2020 n°17-19.523)
    • un système de badgeage n’ayant pas été déclaré à la Cnil (régime antérieur au RGPD) (CA Versailles, 3 juin 2021, n°18/01905) ;
    • une conversation enregistrée par un salarié à l’insu de son employeur (CA Bourges 26 mars 2021, n°19/01169), etc…

Dans toutes ces décisions la logique est la suivante : le juge est invité à rechercher si la preuve illicite a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle (ou un autre droit fondamental) et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle (ou un autre droit fondamental) à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La Cour doit ainsi suivre une appréhension méthodique du contrôle de proportionnalité, qui consiste désormais à :

    1. Déterminer si la preuve est loyale
    2. Identifier les droits en opposition
    3. Déterminer si le droit à la preuve justifie une atteinte à l’autre droit fondamental auquel il s’oppose.

Autrement dit, si la production de la preuve illicite est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte est proportionnée au but poursuivi, elle devient recevable.

De quoi présager un bouleversement du débat judiciaire…

 

 

 

 

 

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