Si l’employeur, saisi d’une alerte relative à un harcèlement moral, a l’obligation en vertu de son obligation de prévention et de sécurité (Articles L.1152-4, L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail) de réagir sans délai quel que soit son opinion sur la véracité des faits, le Code du travail ne donne aucune précision quant aux modalités de déroulement de l’enquête qui doit être menée. C’est la Cour de cassation qui, au fil de ses décisions, construit le cadre de cette enquête et ce avec une volonté de pragmatisme particulièrement bienvenue pour les entreprises.
Avec l’arrêt du 29 juin 2022, elle apporte un nouvel éclairage à propos d’une enquête menée par un employeur à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement par deux salariées.
La Cour de cassation nous rappelle à cette occasion et à travers plusieurs décisions successives que la preuve est libre :
D’abord, la Haute Cour nous rappelle que l’employeur peut, sous réserve de ne pas utiliser des moyens illicites, s’appuyer sur une enquête interne, sa valeur probante pouvant être appréciée au regard d’éventuels autres éléments de preuve produits par les parties, à l’instar des attestations produites hors enquête interne. Autrement dit, même en cas d’enquête interne incomplète, le rapport d’enquête constitue un élément de preuve recevable qui doit être pris en considération par les juges sans pouvoir être écarté de manière péremptoire des débats pour un motif d’absence d’exhaustivité et d’impartialité. (Cass. soc. 29-6-2022 n° 21-11.437)
D’autre part, il n’existe aucune obligation d’associer les élus du personnel à l’enquête qui peut être menée par la direction des ressources humaines, ou encore un prestataire extérieur. (Cass. Soc. 1er juin 2022 n°20-22 .058)
Enfin, il n’y a pas de violation des droits de la défense et du principe du contradictoire au motif que le salarié mis en cause pour harcèlement n’a pas été mis à même de pouvoir accéder au dossier et aux pièces recueillies, ni d’être entendu ou confronté aux collègues qui le dénoncent, à partir du moment où la décision prise par l’employeur ou éléments dont ils disposent pour la fonder pourront être débattus devant le juge judiciaire (Cass. Soc. 29-6.2022 n°20-22220)
Néanmoins, les juges ne peuvent fonder leur appréciation uniquement sur des témoignages anonymes recueillis dans le cadre de l’enquête interne. Auquel cas, il y aurait atteinte aux droits de la défense du salarié mis en cause (Cass. Soc. 4 juillet 2018 n°17-18.241)